La contribution de la Révolution d’Octobre et de l’Union soviétique au mouvement ouvrier de l’Europe occidentale et particulièrement du Belgique


Herwig Lerouge, rédacteur en chef d’Études marxistes et membre du Conseil national du Parti du Travail de Belgique.

La révolution d’Octobre et la création de l’Union soviétique ont été de loin les événements les plus importants du 20e siècle. Le peuple soviétique est passé en quarante ans du servage, d’une économie arriérée, de la misère la plus noire, de l’analphabétisme, de l’oppression coloniale des minorités nationales, à un État moderne, la deuxième économie du monde, le pays avec le plus grand nombre d’ingénieurs et de scientifiques, le premier pays à mettre un satellite sur orbite, un pays où vivaient ensemble soixante-six nationalités, un pays qui seul a été capable d’arrêter la machine de guerre nazie alors que les pays capitalistes en Europe occidentale continentale ont capitulé après quelques semaines à peine. Mais ces événements n’ont pas été importants que pour le peuple soviétique.

La révolution d’Octobre et la création de l’Union soviétique ont été de loin les événements les plus importants du 20e siècle pour les nations colonisées et exploitées par les grandes puissances impérialistes.

Il est difficile aussi de surestimer la contribution de la révolution d’Octobre et de l’Union soviétique au mouvement ouvrier en Europe. Le renversement de la bourgeoisie russe en 1917 a fait prendre conscience à la bourgeoisie du monde entier que la classe ouvrière était effectivement en mesure de la vaincre, de renverser le capitalisme et d’instaurer un nouvel ordre social. En octobre 1917, pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, la classe ouvrière a enlevé aux grands propriétaires fonciers et aux capitalistes les terres, les usines, les moyens de transport, les réseaux de distribution et elle les a transformés en propriété sociale. Pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, la classe ouvrière est devenue classe dominante. Elle a opposé au parlementarisme bourgeois le pouvoir socialiste des Soviets d’ouvriers et de paysans.

La révolution d’Octobre a montré l’efficacité de la voie révolutionnaire et le caractère illusoire du passage pacifique au socialisme par les élections, prôné par la social- démocratie. Nulle part ailleurs, depuis, la social-démocratie n’a pu prouver le contraire. Qu’il suffise de se rappeler le Chili d’Allende.

Une réaction contradictoire

Tout de suite, la peur de la contagion révolutionnaire a gagné la bourgeoisie européenne. Sa réaction a été contradictoire, dit l’historien communiste allemand Kurt Gossweiler. [1]

D’une part, la crainte de la révolution a suscité chez elle la volonté, non seulement de contenir le mouvement ouvrier à l’intérieur de certaines limites, mais aussi d’éradiquer et de liquider le mouvement ouvrier révolutionnaire et l’État qui le soutenait, l’Union soviétique. Cette évolution a mené, entre autres, à l’intervention armée contre la Russie soviétique et à un « enrichissement » du spectre politique dans certains pays capitalistes, surtout chez les vaincus de la Première Guerre mondiale, par la création d’organisations et de partis dont le but principal était l’éradication du communisme et même du mouvement ouvrier, essentiellement par des moyens violents et terroristes : le fascisme.

D’autre part, en 1917, elle a appris surtout à apprécier, comme rempart contre la révolution, le réformisme social-démocrate considéré jusque-là comme inapte à gouverner et elle l’a intégré dans son appareil de domination et d’oppression. Les partis sociaux-démocrates avaient gagné leurs galons dans la participation à l’effort de guerre de leurs bourgeoisies respectives.

Dans les grandes puissances d’Europe occidentale sorties vainqueurs de la guerre, avec à leur tête la Grande-Bretagne et la France, les destructions et le coût de la guerre représentaient pour les peuples une lourde charge. La faire porter à ses travailleurs aurait conduit à une aggravation extrême des antagonismes de classe. Mais la bourgeoisie de ces pays pouvait en faire porter une partie par le rival allemand vaincu et par ses colonies. Elle engrangeait dans ces colonies des profits bien supérieurs à ceux qu’elle pouvait tirer de la spoliation des ouvriers dans les métropoles. Il était possible de prélever sur cette jolie somme une fraction pour la distribuer généreusement aux dirigeants ouvriers dans le but de les corrompre de l’une ou de l’autre façon. La bourgeoisie a choisi cela plutôt que de se risquer à tenter d’éliminer par la violence un mouvement ouvrier bien organisé, révolutionnarisé et rendu plus combatif par l’exemple de la révolution d’Octobre et décidé à défendre ses acquis sociaux.

Tout devient possible

Dès 1918, la bourgeoisie belge a dû concéder des réformes sociales qu’elle avait farouchement refusées jusque-là. Le lendemain de l’armistice du 11 novembre 1918, le roi des Belges, Albert Ier, a convoqué le Parti libéral, le Parti catholique et le Parti ouvrier belge (POB), l’ancêtre du Parti socialiste, au village de Loppem (près de la ville belge de Gand) où il se trouvait alors, pour discuter des mesures à prendre en vue d’assurer l’ordre

une fois les soldats démobilisés. La panique parmi les bourgeois était grande et elle s’était encore accrue suite à la création de conseils révolutionnaires de soldats allemands à Bruxelles, à l’image de ceux qui se créaient un peu partout en Allemagne.

À la réunion de Loppem, on a décidé de faire entrer deux ministres socialistes au gouvernement et d’instaurer le suffrage universel pour les hommes sans révision préalable de la Constitution. Le promoteur de cette opération était le plus grand banquier de Belgique, Émile Francqui, le directeur de la toute puissante Société Générale et grand ami d’Émile Vandervelde, dirigeant du POB et de la 2e Internationale socialiste. Il a fallu trois grèves générales en 1893, 1902 et 1913, mais surtout la révolution d’Octobre pour que les travailleurs — pas encore les travailleuses — obtiennent en 1919 enfin le plein droit de voter. Cela a été la première manifestation concrète de l’aide que pouvait apporter un État socialiste, même pas encore stable, au combat social de la classe ouvrière dans les pays capitalistes.

Il a fallu une nouvelle grève générale en 1919, mais surtout la révolution d’Octobre et la peur de la contagion révolutionnaire pour qu’en 1921 soient introduites en Belgique la journée des 8 heures et la semaine des 48 heures. Des dizaines d’ouvriers, dont ceux de Chicago, lors de ce fameux 1er mai de 1886, étaient déjà tombés sous les balles de la police pour cette revendication. Même les livres d’histoire bourgeois l’admettent : en 1918, en Belgique, l’attitude de la bourgeoisie était déterminée dans une large mesure par la « crainte de voir le prolétariat suivre d’une façon ou d’une autre l’exemple russe. » [2]

En quelques dizaines d’années, la révolution soviétique a garanti le droit au travail, à l’enseignement et aux soins de santé gratuits, l’accès au logement bon marché. Dès 1956, la journée de 7 heures et la semaine de cinq jours ont été introduites en U.R.S.S. On y a construit des maisons de repos, de détente et de vacances ainsi qu’un large réseau de théâtres et cinémas, d’organisations artistiques et sportives, de bibliothèques jusque dans le plus petit village reculé. L’État fournissait les moyens de l’éducation artistique dès l’enfance. Tous les citoyens soviétiques bénéficiaient d’une retraite, les hommes à 60 ans et les femmes à 55. Les travailleurs ne connaissaient pas la menace du chômage. Le pouvoir socialiste a jeté les bases de l’égalité des hommes et de femmes. Il a libéré les femmes de nombreuses responsabilités dans la vie familiale. Plus de trois quarts de la population obtenaient au moins un diplôme de l’enseignement secondaire. Encore en 1917, deux tiers de la population étaient analphabètes. Il a organisé l’éclosion des sciences physiques, des mathématiques, le premier vol de l’homme dans l’espace. Les acquis de la culture socialiste profitaient à de très larges couches de la population.

Malgré la déformation par la propagande anticommuniste, ces réalisations ont été rapidement connues en Europe occidentale, y compris dans les milieux syndicaux. Dans le très anticommuniste organe officiel de la Commission syndicale du Parti ouvrier belge, Le mouvement syndical belge, Berthe Labille, l’épouse d’un ministre socialiste, publie un article sur « La vie de l’ouvrière en U.R.S.S. »

« La plupart des ouvriers prennent leurs repas à l’usine. Partout, des réfectoires ont été installés, où sont servis des repas complets pour une somme minime. L’usine intervient en cas de maladie, assurant le traitement dans une clinique et la convalescence jusqu’à guérison complète, dans une maison de repos. […] L’Union soviétique compte actuellement 8 millions de travailleuses, soit 1/3 de la main-d’œuvre totale. Dans les kolkhozes, on estime à 25 millions le nombre des femmes occupées aux travaux des champs. Dans ce pays, où le chômage n’existe pas, […] toutes les carrières leur sont ouvertes sans la moindre réserve. La moitié des médecins sont des femmes. […] On rencontre les femmes à la tête des commissariats du gouvernement ; elles dirigent des usines, des institutions officielles, des musées, etc.

L’Union soviétique est le seul pays au monde qui laisse à la femme une aussi grande liberté d’action et qui la place sur un pied d’égalité absolue avec l’homme, dans tous les domaines. Un travail égal donne droit à un salaire égal.

De nombreuses mesures ont été prises pour offrir aux travailleuses enceintes des conditions spéciales de travail et une protection très large. La fréquentation des consultations prénatales est obligatoire. Les futures mères y reçoivent des soins et des conseils et sont surveillées à domicile pendant toute la durée de la grossesse. À l’usine, si la santé de l’ouvrière l’exige, celle-ci est déplacée jusqu’au moment de son accouchement, sans perte de salaire. Quand le moment des couches est arrivé, la femme est envoyée dans une maternité, aux frais de l’État. La loi sur les assurances sociales a institué pour les ouvrières, un repos de 2 mois avant l’accouchement et de 2 mois après ; pour les employées, 6 semaines avant et 6 semaines après. Pendant toute cette période, le salaire plein est payé avec par surcroît une indemnité de naissance. Dès que la mère reprend son travail, toutes les facilités lui sont accordées pour se reposer et pour allaiter son enfant. Celui-ci est gardé à la crèche de l’usine dans des conditions très avantageuses. La participation de la mère aux frais est minime. Ces frais sont supportés presque totalement par la caisse des œuvres sociales de l’usine.

La présence de ces œuvres, ajoutées aux sanatoriums, aux polycliniques, aux clubs, aux centres de culture, enlève à la travailleuse soviétique bien des soucis matériels. Elle n’a pas à résoudre, avec le salaire qu’elle gagne, les nombreux problèmes de la maladie, de l’invalidité, de la vieillesse, de l’éducation des enfants, puisque ces services sont gratuits. Elle ne connaît pas tous ces tracas qui empoisonnent l’existence de ses sœurs dans les pays capitalistes.

[…] Les travailleuses en U. R. S. S. ont une activité ménagère fort réduite. La plupart prennent leurs repas à l’usine. Par ailleurs, les gastronoms fournissent des repas tout préparés, à bon compte. Il suffit alors de les réchauffer. Dans certains blocs d’habitations, on a installé une cuisine centrale où les locataires peuvent obtenir tout ce qu’ils désirent pour leurs repas. On ne peut douter de ceci : que dans les circonstances présentes, le bien- être du travailleur — de la travailleuse — n’a jamais été perdu de vue. » [3]

Le même journal s’est réjoui de l’entrée de l’U.R.S.S. à la Conférence internationale du Travail en 1934. Il pense que « pour aboutir au vote d’une convention tendant à introduire dans tous les pays la semaine de travail de quarante heures, la Russie pourrait constituer un facteur très favorable. » [4]

Toute la législation sociale, son concept même, a été influencée au niveau international par la présence de l’U.R.S.S. et la législation sociale de ce pays. Les autres pays ont dû en tenir compte, ne serait-ce que de manière biaisée ou déformée. Que l’on songe à la Déclaration universelle des droits de l’homme des Nations Unies qui a dû aller au-delà de la déclaration issue de la Révolution française et a dû tenir compte des droits sociaux et syndicaux.

La peur du socialisme conduit à la sécurité sociale

La sécurité sociale, telle qu’elle a vu le jour en 1945 a été le point final d’une longue lutte pour faire payer aux patrons les risques inhérents à leur système. Pour le travailleur, la vie sous le capitalisme est incertaine. Dès la naissance du capitalisme, des ouvriers ont donc lutté pour conserver un revenu lorsqu’ils ne pouvaient plus travailler, étaient victimes du chômage, de la maladie ou de l’âge. Le capitaliste ne paie pas la valeur complète de ce que produit le travailleur, mais le salaire est déterminé par ce dont le travailleur a besoin pour survivre et s’entretenir lui-même et sa famille. Les réserves qu’il peut constituer sont de ce fait minimes ou inexistantes. La sécurité sociale est née de l’autodéfense vitale des travailleurs.

Après la Seconde Guerre mondiale, en Belgique, avec la loi-décret du 28 décembre 1944, la sécurité sociale actuelle a vu le jour. La nouveauté, c’était l’obligation pour le patronat de payer une cotisation fixe, de manière à garantir une assurance universelle en matière de retraites, d’assurance maladie et invalidité, d’allocations de chômage, d’allocations familiales et de vacances pour tous les salariés. Jusque-là, les patrons ne payaient que pour leurs propres travailleurs. Une revendication avancée en 1890 et lors de la grève générale de 1936 trouvait ainsi sa réalisation.

Les dirigeants sociaux-démocrates belges aiment faire croire que c’est leur parti et son dirigeant Achille Van Acker qui, en 1944, ont « arraché » la sécurité sociale. La vérité est que c’est encore la crainte de la contagion du socialisme qui a poussé le patronat à accorder cette réforme.

En 1944, la sympathie pour le Parti communiste de Belgique (PCB) et l’U.R.S.S. était immense. Le PCB avait été le seul parti d’avant-guerre, non rallié à l’ordre nouveau, à se présenter comme tel à la population. Les partis catholique et libéral avaient disparu en tant que partis. Le dirigeant socialiste De Man s’était mis au service de l’occupant et avait dissous le POB en 1940.. Dès les premiers mois de l’Occupation, les communistes organisent des grèves. En mai 1941, le Parti appelle à constituer le Front de l’Indépendance, large mouvement unitaire et populaire de résistance à l’ennemi. Deux mille communistes ont donné leur vie en résistant au fascisme. À la fin de la guerre, la sympathie pour le Parti et pour l’U.R.S.S. était donc immense. En Belgique, le nombre de membres du Parti communiste était passé de 12 000 membres à la Libération (en septembre 1944) à 103 000 en août 1945.

La bourgeoisie avait hâte de prendre des mesures pour couper l’herbe sous le pied d’un soulèvement populaire d’inspiration communiste. Robert Vandeputte était pendant la Deuxième Guerre mondiale président de la Banque d’émission (qui travaillait pour les Allemands) et deviendra quelques décennies plus tard ministre des Finances. Pour lui « en 1944, les dirigeants d’entreprise étaient inquiets face aux tendances révolutionnaires. Le communisme bénéficiait d’un prestige considérable. Ils craignaient, non sans raison, des expropriations et des nationalisations. […] » [5]

Pour maintenir le capitalisme en ce moment critique, le patronat avait besoin de personnalités socialistes qui monteraient au créneau pour plaider la reconstruction. Le dirigeant social-démocrate Van Acker, ancien syndicaliste, qui s’était engagé très loin dans la collaboration avec l’occupant aux côtés du président du Parti ouvrier belge, Henri De Man, a piloté le patronat belge à travers les années les plus difficiles de son histoire.

Pour le patronat qui, en grande partie, avait travaillé pour l’occupant, d’énormes intérêts étaient en jeu. Il devait faire des concessions, car il avait « le couteau sur la gorge ». Il fallait éviter « le pire », c’est-à-dire un mouvement de masse révolutionnaire, soutenu par les partisans armés et inspiré par la progression du socialisme en Europe de l’Est.

Déjà pendant la guerre la bourgeoisie avait préparé ce moment au plan militaire. Georges de Lovinfosse, agent de liaison du gouvernement en exil à Londres avec la Belgique occupée écrit : « La résistance armée dont nous voulions garder le contrôle risquait de nous échapper […] un soulèvement généralisé aurait mis la Belgique à feu et à sang […] ma mission était […] de garder à tout moment le contrôle de l’insurrection […] » « Le problème crucial était le suivant : Qui doit entre la Libération et le retour des autorités belges assumer le pouvoir civil et militaire? » [6]

Mais on avait aussi élaboré une stratégie de concessions sociales lors de négociations clandestines pendant la guerre. À partir de 1942, une vingtaine de cadres du syndicat chrétien belge CSC se sont réunis à intervalles réguliers sous la direction de leur président Auguste Cool. Pour Cool, « Les jours qui suivront la Libération seront capitaux. C’est alors qu’on décidera si on veut connaître une nouvelle période d’agitation, de lutte des classes, de méfiance entre travailleurs et employeurs, de division à l’intérieur des usines et des entreprises ou si on préfère la coopération. […] Nous souhaitons cette collaboration ; nous devons donc mettre en œuvre tout ce qui est en notre pouvoir pour éviter les troubles, les grèves, les conflits. » [7] Dans des discussions secrètes, les patrons s’étaient assuré la loyauté des négociateurs socialistes et démocrates-chrétiens.

Le professeur Deleeck, ancien sénateur démocrate chrétien écrit à propos de cette période :

« En Belgique, le développement institutionnel de l’économie de concertation et de la sécurité sociale a été élaboré pendant la guerre lors d’entretiens clandestins entre employeurs et dirigeants des travailleurs de toutes tendances idéologiques. […] Les travailleurs s’engageaient à accepter l’autorité propre des patrons dans l’entreprise (c’est-à- dire à renoncer au principe de la nationalisation d’entreprises) et à collaborer loyalement à l’intensification de la production nationale. » [8] Dans le Pacte social de 1944, d’un commun accord, les partenaires ont inséré la phrase cruciale : « Les travailleurs respectent l’autorité légale des chefs d’entreprise et mettent leur honneur à exécuter leur travail, fidèles à leur devoir. » [9] Un commentaire paru dans un journal boursier confirme : « Ce passage illustre parfaitement où voulaient en venir les pères de ce pacte : créer une structure qui pourrait dresser un rempart contre l’étatisation, promue par le communisme montant. » [10]

La peur de la bourgeoisie était donc bien réelle, mais en partie non fondée. En s’alliant — très justement — avec la bourgeoisie patriotique pendant la guerre, le PCB avait en même temps abandonné son programme autonome. Il s’est cantonné dans le respect du programme du Front de l’Indépendance (F.I.) où la bourgeoisie avait fait inscrire « le respect des libertés constitutionnelles » (point 6 du programme) c’est-à-dire du maintien de l’État bourgeois, de l’ordre bourgeois. Il n’a pas cherché à élever les aspirations des Résistants au-delà du but de « chasser l’occupant ». Pourtant, le peuple ne se battait pas seulement pour bouter dehors l’occupant, mais aussi pour que soit établie — après ces années d’horreur — une société juste et fraternelle. Le PCB n’avait pas d’autre perspective pour l’après-guerre que de ramasser des miettes du pouvoir par la participation au gouvernement. Au lendemain de la Libération, le Front de l’Indépendance appelle à la restauration de l’État, de ses institutions, de ses « libertés constitutionnelles ». Il appelle à la direction du pays le gouvernement belge d’avant-guerre, réfugié à Londres, ce même gouvernement qui a été si soucieux de protéger les fascistes belges et d’emprisonner les communistes. Le programme du F.I., approuvé par le PCB, prévoyait même la liquidation de la Résistance par son incorporation dans l’armée légale belge sous prétexte que la guerre n’était pas finie, alors que chacun savait sa fin proche et inévitable. Pour cela, il fallait désarmer la Résistance.

La crainte de l’U.R.S.S., la puissance des partis communistes dans certains pays européens, leur influence directe et indirecte sur le syndicalisme ont atténué les résistances des bourgeoisies d’Europe occidentale au progrès social. On peut en juger en comparant le taux (par rapport au PIB) des prélèvements obligatoires des pays européens à ceux des États- Unis ou du Japon. Les nationalisations étaient également à l’ordre du jour. À la Libération en France, par exemple, de Gaulle avait nationalisé en masse : les mines du Nord-Pas-de- Calais, Renault, Air France, le secteur de l’énergie, la navigation, quatre grandes banques, des caisses d’épargne et 34 compagnies d’assurance. Cela a entraîné, dans les pays capitalistes, une hausse des dépenses publiques par rapport au total des dépenses nationales.

Part des dépenses publiques dans le produit national brut des États-Unis (en %)

1913

1929

1940

1950

1955

1960

1965

1970

7,1%

8,1%

12,4%

24,6%

27,8%

28,1%

30,0%

33,2%

Part des dépenses publiques (y compris l’assurance sociale) dans le produit social net de l’Allemagne, puis de la République fédérale allemande (en %) [11]

1913

1928

1950

1959

1961

1969

15,7%

27,6%

37,5%

39,5%

40,0%

42,5%

Jusque dans les années 80, les dirigeants syndicaux ouest-allemands, dont le presque mythique président de l’IG-Metall, Otto Brenner, avaient l’expérience que « lors des négociations avec les patrons, un partenaire invisible mais sensible était toujours présent à la table, la RDA socialiste [la République démocratique allemande ou Allemagne de l’Est]. » [12]

Un syndicaliste allemand écrit : « Je n’étais certainement pas un partisan de la RDA. Mais il y avait à l’époque, lors de négociations avec le patronat, une certaine pression. Il y avait, à l’époque, des acquis en RDA : paiement du salaire en cas de maladie des enfants, l’allongement des congés payés, la journée mensuelle libre et payée pour les femmes, les règles en matière de protection des mères et des enfants, la protection totale contre le licenciement, le paiement des heures supplémentaires ; tout cela avait des effets indirects lors des négociations collectives en République fédérale. » [13]

La preuve par la négative

La révolution d’Octobre et la création de l’Union soviétique, et non la participation de partis socialistes au pouvoir, ont été les événements les plus importants du 20e siècle pour les travailleurs de toute l’Europe. Cela se démontre aussi par la négative. Maintenant que la pression politique du socialisme a disparu, il est devenu presque impossible pour le mouvement syndical d’obtenir encore des progrès. Aux Pays-Bas, à l’occasion de l’adoption dans les années 90 d’une loi sur la maladie et l’invalidité beaucoup plus restrictive, le journal NRC Handelsblad, publiait ce titre révélateur : « Si Staline vivait encore, ou même seulement Brejnev, notre nouvelle législation ne serait pas passée. »

Le philosophe et professeur gantois Fernand Vandamme va dans le même sens : « Nous devions instaurer un large système de sécurité sociale parce que sans cela, nous serions peut-être devenus communistes. Maintenant que cette pression est tombée, il peut sembler attirant pour certains d’introduire partout un même système à l’américaine. » [14]

La concurrence d’autrefois entre socialisme et capitalisme, qui poussait les acquis sociaux vers le haut a fait place à une spirale sans fin vers le bas. 54 pays sont aujourd’hui plus pauvres qu’en 1990. 17 d’entre eux se trouvent en Europe de l’Est et dans l’ancienne Union soviétique. [15] Après la destruction d’une grande partie de l’industrie, toute l’Europe de l’Est est devenue un réservoir de main-d'œuvre bien formée et bon marché, mise en concurrence avec les travailleurs d’Europe occidentale.

Depuis la disparition de l’U.R.S.S., le mouvement ouvrier en Europe n’a connu que des reculs, et ce, malgré et même à cause de la participation pratiquement ininterrompue des partis sociaux-démocrates au pouvoir. Depuis 1989, le fameux modèle rhénan dit « d’économie de marché sociale » n’a produit aucune avancée sociale. Nos enfants seront la première génération depuis 90 ans dont la protection sociale sera moins bonne que celle de leurs parents. La journée des huit heures, la semaine de cinq jours et l’emploi stable ne sont plus que des souvenirs. La moitié des jeunes en Belgique démarrent leur carrière avec des emplois à temps partiel. Les emplois intérimaires, précaires poussent comme des champignons vénéneux. Dans certains pays pourtant riches comme l’Allemagne, il faut travailler aujourd’hui jusqu’à 67 ans pour avoir droit à une pension de retraite complète. Entre-temps, des millions de jeunes ne trouvent pas de travail décent et ne peuvent s’installer ou fonder une famille. Bientôt, il sera impossible de survivre sans pension privée complémentaire, de se faire soigner à l’hôpital sans assurance privée complémentaire. Mais ces assurances privées sont un luxe inaccessible à une grande partie des travailleurs.

Les dirigeants européens veulent, à travers leur stratégie Lisbonne 2020, renforcer la fameuse flexicurité. Leurs plans prévoient la remise en cause d’une grande partie des conquêtes sociales en matière de contrat de travail, de droit au préavis.

Les services publics de l’énergie, des transports, de la poste, de la distribution d’eau sont démantelés et livrés à des multinationales. Au lieu d’assurer des services de base à la population, elles n’assurent plus que des dividendes indécents aux actionnaires de Suez, de Veolia et autres. En même temps, des pauvres, même avec un emploi, doivent aller quémander des chèques énergie pour pouvoir s’éclairer et se chauffer.

Depuis la disparition de l’U.R.S.S., 10 % du produit national brut de la Belgique, 10 % de toutes les richesses utilisées auparavant pour la sécurité sociale et les services publics, sont passés des fonds collectifs de la sécurité sociale dans les coffres des détenteurs de capitaux.

Depuis deux ans, le monde capitaliste a sombré dans une nouvelle crise, la plus grave depuis les années 1930. La richesse mondiale a baissé. Dans la plupart des pays, le chômage a augmenté de moitié. Pour l’Union européenne, il y a eu 5 millions de chômeurs en plus.

Dans sa polémique avec l’opposition trotskiste, Staline disait lors du 7e Plénum élargi du Comité exécutif de l’Internationale communiste : « Qu’arriverait-il si le capitalisme parvenait à écraser la république des Soviets ? Cela instaurerait une ère de réaction extrême dans tous les pays capitalistes et coloniaux. La classe ouvrière et les peuples opprimés seraient saisis à la gorge, les positions du communisme international seraient perdues. » [16] Ces paroles se vérifient aujourd’hui.

Depuis la disparition de l’U.R.S.S., à laquelle ils ont fortement contribué, les socialistes européens n’ont plus obtenu un centimètre de progrès social. Tout ceci réduit au statut de fable l’argument que les acquis sociaux du 20e siècle sont à mettre à leur actif. Si leur politique avait prévalu, il n’y aurait jamais eu d’Union soviétique et la bourgeoisie aurait pu dormir sur ses deux oreilles pendant longtemps encore.

Dès le début de la révolution d’Octobre, les dirigeants sociaux-démocrates, et parmi eux les dirigeants du Parti ouvrier belge, ont été à l’avant-garde du combat contre le nouvel État socialiste. En mai et juin 1917, en pleine révolution démocratique russe, les chefs du POB Vandervelde, De Brouckère et De Man sont allés sur le front russe pour inciter les ouvriers et paysans russes à continuer la guerre contre les Allemands aux côtés des Français, des Anglais et des Belges. De Brouckère et son collègue De Man ont même conseillé à des responsables russes de tirer à la mitrailleuse sur des soldats du septième corps sibérien qui se mutinaient. Quand, en décembre 1917, une coalition internationale dirigée par la France et l’Angleterre a envahi la Russie et provoqué une guerre civile sanglante aux côtés des contre-révolutionnaires dirigés par les anciens officiers tsaristes, les dirigeants du POB se sont rangés du côté de la contre-révolution. Durant toute la guerre civile, le journal du POB, Le Peuple, a mené une campagne violente contre la révolution d’Octobre et les autres révolutions en Europe. En décembre 1918, il écrivait qu’ « un succès des spartakistes en Allemagne nécessiterait une intervention des troupes anglo-françaises ». En mai 1919, il soutenait l’intervention étrangère contre le pouvoir soviétique. [17]

Les nouveaux socialistes

Mais voilà qu’apparaissent de « nouveaux socialistes » qui ressortent cette fable de la poubelle de l’histoire. Ils défendent le réformisme des « anciens socialistes » contre les néolibéraux de la social-démocratie genre Schröder, Blair. En Allemagne, Gregor Gysi, le dirigeant du parti Die Linke est de ceux-là. En août 1999, il a publié « Douze thèses pour une politique du socialisme moderne. » [18] Il y parle de « l’ère sociale-démocrate » et de ses grandes conquêtes : « le développement de la productivité, l’innovation et l’élévation culturelle de larges couches de la population au cours des 50 dernières années obtenues entre autres grâce à la grande influence de la social-démocratie » (thèse 2).

Dans une critique cinglante de ces thèses, [19] l’historien communiste allemand Kurt Gossweiler rétorque : « L’augmentation de la productivité et l’innovation n’ont rien à voir avec la social-démocratie. Au cours de cette ère dite sociale-démocrate, les États-Unis étaient à la tête de ces évolutions. D’ailleurs, si on prend comme critère la deuxième moitié du 20e siècle, le SPD (sociaux-démocrates) n’a été au gouvernement que pendant 16 années et n’a dirigé le gouvernement que pendant 13 ans. Pendant 37 ans, c’était la CDU (chrétiens-démocrates) qui dirigeait la barque. La situation dans les autres pays d’Europe occidentale était similaire. »

Gysi décrit cette période comme « une longue phase de prospérité, plein emploi, développement du pouvoir d’achat lié à l’augmentation de la productivité, prestations sociales liées au développement des revenus du travail, sans toutefois pouvoir vaincre totalement la pauvreté. La participation de la population avançait : cogestion dans les entreprises. On a créé des institutions qui défendaient les intérêts des travailleurs et remplaçaient en partie le principe du capital par celui de la participation sociale. Tout cela grâce d’abord aux syndicats, ensuite à la social-démocratie et aux mouvements socialistes et enfin, à la concurrence avec le socialisme d’État. »

Gossweiler s’étonne que Gysi mette la pression des pays socialistes en dernier. « C’est étrange : toutes les institutions auxquelles Gysi attribue les progrès sociaux existent toujours. Qui plus est, la social-démocratie dirige le gouvernement dans les premières années du 21e siècle, non pas avec la droite, mais avec les Verts ! Mais depuis la date exacte de la fin de la “concurrence avec le socialisme d’État”, ces institutions n’ont plus rien réalisé au profit des travailleurs. Elles n’ont même pas pu empêcher le mouvement dans un sens contraire à celui de l’époque de la concurrence. Nous ne voyons plus que recul et cela s’est aggravé sous Schröder. Je ne parle même pas de la dernière conquête de la social-démocratie : le retour de l’Allemagne comme puissance qui participe à des guerres. »

Et on s’étonne avec Gossweiler du fait que Gysi qui admire tant les réalisations de l’ancienne social-démocratie « ne chante pas plus les louanges de réformes telles que la réforme agraire qui a donné la terre de la RDA à ceux qui la travaillent, ou la collectivisation des moyens de production par l’expropriation des grosses banques et industries, la réalisation de l’égalité de droits des femmes, la généralisation de l’enseignement, des soins de santé gratuits, du droit au travail. Ce sont des acquis qu’aucun parti social-démocrate n’a réalisés. Ils existaient dans la République démocratique allemande. Pour les nouveaux socialistes à la Gysi, seule la social-démocratie a droit au respect. Quant aux acquis réellement historiques de la RDA, il faut selon les paroles de Gysi au Congrès de Berlin du PDS en janvier 1999 “mettre à jour sans ménagement et de façon critique les rapports qui ont existé en RDA”. Que pouvons-nous en conclure ? Les “nouveaux socialistes” n’apprécient et ne défendent que les réformes qui ne touchent pas au capitalisme. Celles qui enlèvent au capitalisme ses fondements ne sont dignes que de critiques “sans ménagement”. »

L’héritage révolutionnaire d’Octobre

Non, la liquidation des États socialistes n’a pas été une « avancée de la liberté », c’est un processus contre-révolutionnaire qui a eu raison des acquis sociaux et humains des peuples de l’Est !

Aujourd’hui, le débat entre ceux qui se revendiquent de l’héritage révolutionnaire d’Octobre et les partisans d’une nouvelle variante de la social-démocratie est à l’ordre du jour. Dans la classe ouvrière, la social-démocratie traditionnelle est de plus en plus discréditée. Certains veulent prendre sa place en parlant d’un « socialisme moderne », où il ne serait pas nécessaire de socialiser les moyens de production. Ils promettent, sans vouloir toucher aux bases économiques du système, « une alternative progressiste », « la paix », « la justice sociale », « un développement durable » que tous nous souhaitons de nos vœux.

La crise multiple dans laquelle se trouve le capitalisme offre pourtant des possibilités de remettre à nouveau le socialisme au centre du débat politique. C’est ce que doit admettre Joseph Stiglitz qui a démissionné, en son temps, de son poste d’économiste en chef de la Banque mondiale : « Le combat des idées pour savoir quel système économique est le meilleur pour le peuple est un héritage de la crise actuelle. Nulle part, ce combat n’est mené avec plus d’acharnement que dans le tiers monde, en Asie, en Amérique latine et en Afrique, où vivent 80 pour cent de l’humanité. Là-bas, la lutte des idées entre le capitalisme et le socialisme fait rage. […] Après la chute du Mur, les pays communistes de l’Europe de l’Est ont remplacé Karl Marx par Milton Friedman. La nouvelle religion ne leur a apporté aucun salut. Beaucoup de pays peuvent tirer la conclusion que non seulement le capitalisme de liberté à l’américaine s’est soldé par un échec, mais aussi que le concept même de l’économie de marché ne fonctionne pas. » [20]

À l’heure de la crise la plus féroce depuis 70 ans, il faut le dire clairement : l’économie de marché, le capitalisme, ne fonctionne pas. On ne peut pas en créer une version sans crises, sans chômage, sans guerres. On peut seulement la remplacer à travers une révolution socialiste, la socialisation des grands moyens de production, le pouvoir politique des travailleurs, la démocratie pour le plus grand nombre.

Le vingtième siècle aura été le siècle de la répétition générale de la révolution socialiste mondiale. L’expérience tant positive que négative permet à toutes les forces anticapitalistes d’avoir une meilleure compréhension de la justesse historique des principes de la révolution d’Octobre. En effet, au cours de la première moitié du vingtième siècle, la fidélité aux principes marxistes-léninistes a apporté des victoires aux forces révolutionnaires dans le monde entier ; au cours de la seconde moitié de ce siècle, leur liquidation progressive par le révisionnisme a provoqué des défaites cinglantes au niveau mondial.


[1] Études marxistes no 67-68, Kurt Gossweiler, Hitler : L’irrésistible ascension ? chapitre 5, « Origines et variantes du fascisme », Éditions Aden, Bruxelles, 2006.

[2] J. Bartier, La politique intérieure belge (1914-1940), Bruxelles, 1953, t. 4, p. 47. Cité dans Claude Renard, Octobre 1917 et le mouvement ouvrier belge, 1967, Éditions de la Fondation Jacquemotte, Bruxelles, p. 63.

[3] Le mouvement syndical belge, no 5 du 25 mai 1936.

[4] Idem, no 10 du 20 octobre 1934.

[5] Trends, 14 octobre 1993, p. 172.

[6] Georges de Lovinfosse, Au service de Leurs Majestés : Histoire secrète des Belges à Londres, Byblos, 1974, p. 186-187 et 196.

[7] Peter Franssen et Ludo Martens, L’argent du PSC-CVP, Éditions EPO, p. 29-30.

[8] Herman Deleeck, De architectuur van de welvaartstaat, ACCO, 2001, p. 2. Cité dans Carl Cauwenbergh, « La sécurité sociale n’est pas une conquête de la social-démocratie », Études marxistes no 27, 1995, p. 15.

[9] Projet de convention de solidarité sociale, 28 avril 1944.

[10] Financieel Economische Tijd, 19 octobre 1993.

[11] US Department of Commerce, Long Term Economic Growth, Statistical Abstract of the United States 1971. Elemente einer materialistischen Staatstheorie, Frankfurt 1973.

[12] http://www.prignitzer.de/nachrichten/mecklenburg- vorpommern/artikeldetail/article/111/der-anfang-vom-ende-der-ddr.html.

[13] http://www.wer-weiss-was.de/theme75/article3238793.html.

[14] De Morgen, 4 septembre 1993. Cité dans Carl Cauwenbergh, « La sécurité sociale n’est pas une conquête de la social-démocratie », Études marxistes no 27, 1995, p. 17.

[15] Données des éditions 2003 et 2006 des UN Human Development Reports.

[16] J. V. Staline, Propos tenus lors du 7e Plénum élargi du Comité exécutif de l’Internationale communiste, automne 1926.

[17] Émile Vandervelde, La Belgique envahie et le socialisme international, Berger- Levrault, Paris 1917.

[18] http://www.glasnost.de/pol/gysiblair.html, août 1999.

[19] Kurt Gossweiler, « Der “Moderne Sozialismus” — Gedanken zu 12 Thesen Gysis und Seiner Denkwerkstatt », http://www.kurt-gossweiler.de/artikel/gysi12t.pdf.

[20] http://www.ihavenet.com/economy/Stiglitz-Will-Capitalism-Survive-The-Wall-Street- Apocalypse.html, cité dans « La crise, les restrictions et les germes du changement », Résolution du Conseil national du PTB, 15 mars 2010 http://www.ptb.be/fileadmin/users/nationaal/download/2010/03/crise.pdf.