Les coûts de la crise seront aggravés par les accords impérialistes au Mexique


Marco Vinicio Dávila Juárez, Directeur de El Comunista, organe du Comité Central du Parti des Communistes.

Dans le système capitaliste les crises sont inévitables

La crise actuelle du mode de production capitaliste prouve l’actualité du marxisme-léninisme et des tâches révolutionnaires dans la lutte de classe du prolétariat et de son organisation d’avant-garde, le parti communiste. Mais le caractère général de cette crise confirme aussi la nécessité urgente d’élaborer une stratégie commune des partis communistes et ouvriers, dans une perspective historique, afin de pouvoir intervenir de manière énergique et décisive dans une période agitée, comme celle qui débute aujourd’hui.

Marx, Engels et Lénine démontrent dans leurs ouvrages que le capitalisme, tout comme les modes de production antérieurs, n’est pas éternel et qu’il abrite en son sein des contradictions qui affectent la vie des masses et placent à l’ordre du jour la nécessité de le renverser par la révolution. Un développement stable du capitalisme est impossible, étant donné qu’il a comme caractéristiques inhérentes les crises cycliques de surproduction et de suraccumulation, comme Friedrich Engels l’a exposé en son temps dans son ouvrage L'Anti-Dühring.

Il faut savoir également que nous vivons dans la phase impérialiste du capitalisme et que la crise est internationale. Aucun pays n’y échappe. Comme on le sait, et la crise en cours le confirme, les monopoles en reportent les coûts sur la classe ouvrière tandis qu’ils se chargent des profits.

Dans le système capitaliste, les inégalités se creusent, la politique de pillage qui caractérise l’impérialisme prend les formes les plus diverses :surexploitation de la force de travail, échange inégal, usage irrationnel de certaines ressources. La domination des pays les plus puissants renforce le capital monopoliste et garantit d’énormes profits, et bien d’autres avantages importants, aux puissances impérialistes. La consolidation des monopoles intensifie les contradictions inhérentes au système : elle engendre à la fois de rapides processus de croissance, profondément anarchique et inégale, ainsi qu’une tendance à la stagnation et à la décomposition.

La concentration de la production et surtout du capital dans une minorité de consortiums gigantesques dominés par l’oligarchie financière, ainsi que l’accumulation de grandes quantités d’argent dans les centres financiers des pays dominants crée les conditions idéales pour la décomposition et le parasitisme. Le parasitisme qui caractérise l’oligarchie financière est l’illustration même des contradictions d’un régime d’exploitation inepte qui s’exprime avec une intensité toujours croissante dans le militarisme, la guerre et la crise.

Voici ce que dit sur la présente crise le rapport de la direction collective à la 8e session plénière du Comité central du Parti des Communistes :

« Le National Bureau of Economic Research (NBER) a annoncé que les États-Unis entraient officiellement en récession le 1er décembre 2008. Initialement la crise a été présentée comme une crise  immobilière, déclenchée par la crise des crédits subprime en mars 2007. Le NBER a tenté, le plus longtemps possible, de cacher l’information d’une crise économique profonde du système capitaliste dont l’épicentre se trouvait dans l’impérialisme nord-américain.

Mais rapidement, les sociétés immobilières, les banques, les industries et les services ont fait faillite les uns après les autres. Chaque monopole a vu son heure arriver. Après les États-Unis, c'était le tour de l’Angleterre, du Japon, de l’Union européenne et des pays capitalistes dépendants.

Dans un premier temps on a voulu présenter la crise comme étant restreinte au secteur financier des États-Unis, n’allant pas au-delà de la faillite de la New Century Financial Corporation, des banques Bear Stearn, IKB (banque industrielle allemande), Merril Lynch, Citi Group, Morgan Stanley, Goldman Sach, Lehman Brothers, Hypo Real Estate et Bank of America. Et c’est vrai d’une certaine manière, mais pas entièrement, car il ne s’agit en réalité que d’une première manifestation d’une crise qui n’est pas uniquement américaine, mais mondiale, et qui ne se limite pas au secteur financier mais qui touche l’ensemble du système ; une crise qui n’est donc pas seulement celle du néolibéralisme mais aussi du capitalisme, de l’impérialisme.

On peut dire que la banqueroute financière mondiale est le premier signe d’une crise générale du capitalisme. La bulle financière a éclaté, c’était inévitable.

[…] Cette crise mondiale est une crise de l’ensemble du mode de production capitaliste, bien plus grave que celle de 1929, étant donné que les marges de stabilité capitalistes ne sont pas celles d’autrefois et que la crise actuelle se conjugue à une crise de l’énergie, de la production, de l’environnement, de l’alimentation et de la politique ; elle a en plus des répercutions sur la suprématie des États-Unis, résultant de la contrerévolution en URSS et dans le camp socialiste. On assiste à l’effondrement à la fois des indicateurs boursiers, mais aussi des mythes sur lesquels s’est basé le fondamentalisme monétariste néolibéral pour annoncer la mort du marxisme, du communisme. » [1]

La théorie marxiste-léniniste sur l’impérialisme comme stade suprême du capitalisme est pleinement valide

La contre-révolution des années 1990 n’a pas seulement provoqué des reculs temporaires dans la construction socialiste pour la classe ouvrière et pour les peuples d’URSS, de RDA, de Pologne, de  Tchécoslovaquie, de Yougoslavie, de Bulgarie, de Roumanie, de Hongrie, de Mongolie et d’Albanie, et pour les processus en cours en Afghanistan, en Éthiopie et au Yémen. Elle a aussi été à la base de régressions sur les conquêtes du mouvement ouvrier dans le monde entier par le biais de la restructuration capitaliste connue sous le nom de néolibéralisme. Mais elle a aussi débouché sur la guerre en Irak et sur les efforts pour placer l’Amérique latine dans la zone d’influence exclusive de l’impérialisme nord-américain. C’est ce courant contre-révolutionnaire de la « fin de l’histoire » qui a contribué à l’entrée en vigueur de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALÉNA), entre les États-Unis, le Canada et le Mexique.

Quand les forces populaires et révolutionnaires ont commencé à se réorganiser, une série de positions idéologiques, telles que l’opportunisme et le réformisme, sont venues au secours de l’impérialisme. La position centrale de la classe ouvrière a été rudement contestée, on parlait de la fin du travail et de l’irruption de sujets émergents ; on a aussi lancé l’idée du non-pouvoir et le dédain « innovateur » pour la question de l’État et la conquête du pouvoir. Une autre campagne a été lancée contre le parti politique de la classe ouvrière en relançant le « culte de la spontanéité » et le mouvementisme, prétendant séparer le politique du social et des luttes économiques ; mais l’une des approches les plus dangereuses a été le débat sur l’impérialisme soulevé par Negri et Hardt. Bien qu’il faille encore systématiser le débat qui couvre déjà une décennie, on peut tout de même percevoir que, coordonnée ou non, il s’agissait d’une attaque envers les aspects fondamentaux du marxisme-léninisme, faisant appel à de vieux arguments déjà réfutés autrefois, non seulement de l’anarchisme, mais aussi de Berstein et de Kautsky. Ce débat a eu bien entendu un effet négatif sur l’avancée de la lutte des classes qui a gagné en intensité ces derniers temps suite à une remise en question de plus en plus importante de la domination capitaliste et de la guerre. Sans parler des forces opportunistes contemporaines qui se sont moulées sur le modèle capitaliste — le Parti de la Gauche Européenne, par exemple, est un parti collaborateur du capital — ainsi que de tous ceux qui ont décidé de se soumettre ou de s’intégrer à des projets impérialistes tels que l’Union Européenne. Mais aussi de  tant d’autres organisations prétendument de gauche  et ex-communistes, actives en Amérique latine, comme l’illustre le choix du Parti de la Revolution Démocratique au Mexique  qui  accepte l’ALÉNA en ne proposant que de légères modifications qui n’altèrent en rien son caractère impérialiste.

Comme nous le savons, dans l’important ouvrage théorique L’impérialisme, stade suprême du capitalisme, Lénine résume les traits fondamentaux qui caractérisent la transformation du capitalisme, le passage du libre échange au capitalisme monopolistique, de la manière suivante :

« 1) La concentration de la production et du capital est parvenue à un degré si élevé qu’elle crée les monopoles, dont le rôle est décisif dans la vie économique ; 2) la fusion du capital bancaire et du capital industriel et la création, sur base de ce « capital financier », d’une oligarchie financière ; 3) l’exportation des capitaux, à la différence de l’exportation des marchandises, prend une importance toute particulière ; 4) formation d’unions internationales monopolistes de capitalistes se partageant le monde ; et 5) le partage territorial du globe entre les plus grandes puissances capitalistes. L’impérialisme est le capitalisme arrivé à un stade de développement tel que la domination des monopoles et du capital financier est accomplie, que l’exportation du capital acquiert une importance primordiale, que la division du monde entre trust internationaux a commencé, que la division des territoires du globe entre les plus gros pouvoirs capitalistes est accomplie. » [2]

De leur côté, les opportunistes et les réformistes font appel aux vielles idées de Karl Kautsky d’un ultra-impérialisme semant la confusion sur une « tendance naturelle » à l’intégration et à un développement pacifique du capitalisme, prétendant justifier les guerres d’exploitation, de pillage et de conquête par les mêmes procédés que ceux utilisés au moyen-âge par les Croisés : comme une guerre de l’Occident et de la civilisation contre les barbares, une guerre du bien contre le mal.

Nous ne prétendons pas ici et maintenant faire plus qu’asseoir le précédent selon lequel la crise actuelle aurait aussi démoli ces babioles idéologiques qui ont aidé le marché à vendre une gauche non violente, moderne, intelligente, ouverte au dialogue et collaboratrice, lui permettant d’occuper une chaise au conseil d’administration des intérêts des capitalistes : l'État.

La théorie marxiste-léniniste de l’impérialisme est importante pour expliquer comment les accords commerciaux internationaux et les projets inter-étatiques présentés comme une planche de salut se transforment en une ancre qui entraîne vers le fond les peuples et les pays qui se trouvent en position subordonnée dans la chaîne impérialiste.

Les projets d’expansion et de domination impérialiste en Amérique latine : l’expérience mexicaine

L’ALÉNA a débuté en 1994 ; quinze ans plus tard le bilan est accablant: l’ALÉNA et l’initiative de l’étendre à tout le continent dans le cadre de la zone de libre échange des Amériques (ZLÉA, connue son son sigle espagnol ALCA) confirment l’existence de la politique impérialiste, quel que soit le déguisement que revêt son discours.

Cet accord veut s’étendre à l’ensemble de l’Amérique latine. Malgré la défaite de leur tentative d’obtenir un accord total, les Nord-Américains essayent d’y arriver par le biais d’accords bilatéraux et régionaux, en les accompagnant d’accords militaires et répressifs.

Il est important de signaler que la première défaite de l'ALCA doit être mise au crédit de la grande résistance populaire, sociale, politique et armée. Sans oublier le rôle central de la Révolution cubaine qui a pu regrouper en un seul front les mouvements ouvriers, les paysans, les forces sociales et les intellectuels et artistes, en les convoquant aux Rencontres hémisphériques de lutte contre l'ALCA, en organisant des journées continentales et en élaborant des plans d’action qui ont été très utiles. Le processus bolivarien au Vénézuela a lui aussi été décisif dans cette lutte, ainsi que la résistance colombienne, surtout de la part des FARC-EP, contre le Plan Colombie et le Plan Patriot. L’opposition récente à l’ALÉNA de la classe ouvrière mexicaine, des paysans et des indigènes a contribué à la conscientisation des peuples sur le risque lié à l’approbation de l'ALCA. [3]

En utilisant l’euphémisme de libre-échange, [4] les États-Unis veulent renforcer leur hégémonie en Amérique latine face à la présence de l’Union Européenne dans la région. Ils élaborent les mêmes stratégies pour tous leurs accords, qu’il s’agisse de l’ALÉNA, du Plan-Puebla-Panamá, de la PSP ou d’accords bilatéraux. Et ces stratégies s’accompagnent de plans militaires répressifs comme le Plan Colombie ou l’Initiative Mérida, ainsi que de l’installation de bases militaires partout [5] et de la réactivation de la 4e flotte.

S’appuyant en premier lieu sur l’inertie de ce qu’on appelle la désidéologisation, l’impérialisme s’est déguisé et, au nom de la « liberté », de la « démocratie », du « libre-échange », de l’« interdépendance » et du « nouvel ordre mondial », il a essayé d’étouffer toute résistance à sa politique de domination en Amérique latine. Telles ont été les conditions de la contre-révolution internationale qui ont imposé l’ALÉNA, qualifiée par des chercheurs et des universitaires d'achat-vente du Mexique [6]. Une seule comparaison est possible : le Traité de Guadalupe-Hidalgo, qui constituait une terrible mutilation du territoire national mexicain suite à la guerre injuste de 1847-1848 et a légalisé le dépouillement de 2 263 866 km2. Pourtant, en quinze ans, l’ALÉNA a dévasté la campagne mexicaine, la souveraineté alimentaire et la production nationale, en introduisant la domination des monopoles nord-américains sur la terre et les ressources naturelles, surtout sur les ressources énergétiques. Le gaz se trouve entre les mains d’entreprises étrangères. Les monopoles ont fait irruption dans des secteurs auparavant réservés à l’État par la révolution démocratique-bourgeoise de 1910, comme c’est le cas pour l’électricité et le pétrole.

Parmi les conséquences, on observe une intensification du pillage et de l’exploitation, le chômage à la campagne et dans les villes et l’émigration permanente.

La subordination du capitalisme mexicain par rapport au nord-américain est totale. Ce dernier est l’acheteur principal et pour ainsi dire l’unique acheteur quand il s’agit du pétrole ; il est également la destination presque exclusive de nos exportations et la deuxième source d’apport économique par le biais des envois de fonds de migrants mexicains travaillant aux États-Unis, bien que ce chiffre ait baissé de 3 % depuis novembre 2008.

Depuis que Felipe Calderón a pris possession de la présidence de la république, la situation économique du pays n’a fait qu’empirer, principalement au détriment des travailleurs. En effet, le « président de l’emploi » autoproclamé n’a pas réalisé une seule action qui ait un réel impact sur le niveau de vie des travailleurs.

Maintenant que nous savons que la croissance pour 2009 [7] sera pratiquement nulle en raison de la récession que traverse le pays, à peine 0,5 % selon différentes estimations, le gouvernement fédéral à décidé de mettre en place plusieurs plans anti-crise, tous dans le but de renforcer l’économie familiale, le pouvoir d’achat des travailleurs et d’encourager l’emploi, bien que bizarrement toutes les actions des plans en question sont en réalité destinées à transférer de grandes quantités de ressources économiques vers les entreprises privées.

Les mesures du gouvernement fédéral n’ont pas pour objectif de résoudre les problèmes des travailleurs; les pressions économiques continuent à s'aggraver. L’année passée, l'inflation s’est élevée à 6,53 %, le double des prévisions, et le gouvernement l’estime pour cette année à 6,28 %. La dévaluation du peso par rapport au dollar s’est élevée à plus de 38 % entre janvier 2007 et février 2009, tandis que le PIB ne dépassait pas 1,2 % jusqu’en juillet 2008.

Les manifestations de contestation des travailleurs sont diverses. L’une d’entre elles est le préavis de grève. Ces préavis de grève ont augmenté de 46,33 %, passant de 7 390 en 2006 à 10 814 l’an passé; cette année en janvier, ils s’élèvent à 1 162. La grande majorité de ces préavis de grève revendiquent une augmentation de salaire, mais presqu’aucun n’arrive à faire sauter le plafond salarial imposé, qui cette année, selon le secrétaire d’État au Travail Javier Lozano Alarcón, n’augmentera pas de plus de 6 %.

Tout ceci montre l’augmentation du mécontentement des travailleurs face à la situation critique du travail. Il est vrai qu’en moyenne seuls 25 à 40 % de ces préavis mènent à la grève, mais dans certains cas, l’impact, tant social qu’économique touche de grandes régions et de nombreuses branches de la production, telles que l’industrie minière, où les grèves de Taxco, Guerrero, Sombrerete, Zacatecas, Met Mex Peñoles à Coahuila et Cananea, Sonora ont eu un impact national et international.

À la campagne la situation est encore pire. D’après les chiffres de l'Université Obrera de Mexico, deux millions d’emplois ruraux ont été perdus ces douze dernières années, avec un taux de pauvreté de 85,5 %, dont 55,5 % se trouvent dans l’extrême pauvreté. La migration rurale est de 45 % des familles des ejidos (coopératives agricoles) qui ont au moins un membre aux États-Unis et de 80 % qui ont au moins un membre en dehors de leur communauté.

L’ALÉNA, en renforçant la dépendance du Mexique, provoque immédiatement des effets dévastateurs. Pour stabiliser le taux de change, dont la déstabilisation avait été provoquée par la spéculation, cela a coûté au pays plus de 20 milliards de dollars de la réserve de la Banque du Mexique ; la classe ouvrière souffre de la hausse spéculative des aliments [8] ; l’excès de dettes à entraîné la faillite de 10 250 entreprises ; les travailleurs mexicains ont perdu 53 milliards de pesos de leur épargne retraite investis dans des instruments financiers internationaux, ce qui signifie la perte de 10 % de leur épargne. La chute du taux d’emploi aux États-Unis dans le secteur de la construction entraînera le retour de 3 millions d'émigrants mexicains au pays.

L’économie mexicaine est passée de la stagnation chronique à une franche récession et les effets de la crise externe sur le secteur productif, le secteur financier, les finances publiques et le marché du travail se font déjà sentir. L’activité industrielle est tombée de 11 % en janvier 2009 ; les exportations totales ont baissé de 30,5 %, les exportations de pétrole de 55,3 % et les exportations manufacturières de 25,9 % entre janvier et février. Les revenus budgétaires du gouvernement fédéral ont diminué de 9,9 % en raison de la diminution des recettes dérivées de l’activité pétrolière et des recettes fiscales, entre janvier 2008 et janvier 2009. La production automotrice a baissé de 44,4 %, passant de 340 036 à 189 080 unités dans les deux premiers mois de 2009 ; et dans le secteur mécanique, on a observé une chute de 31,5 %, de 6 229 milliards de dollars à 4 313 milliards de dollars entre 2007 et 2008.

Peu importe que les travailleurs aient déjà souffert près de trois décennies du pillage systématique de leurs ressources vitales, le plafond salarial est maintenu afin de continuer à faire baisser les coûts des entreprises ; peu importe l’escalade spéculative des aliments, qui engendre un retard permanent des salaires par rapport à l’inflation. À la perte du pouvoir d’achat des salaires s’ajoute la perte d’emplois : en 2009, non seulement il n’y aura pas assez de postes pour satisfaire la demande des jeunes qui entrent sur le marché, mais en plus des postes existants ont été supprimés. En effet, selon les calculs de la Banque du Mexique, la population économiquement active (PEA) a augmenté de 300 000 personnes, tandis que d’après les calculs du Secrétariat des Finances et du Crédit Public (SHCP), près de 300 000 emplois ont été supprimés. Il y a donc un déficit d’emploi pour au moins 1,6 million de personnes. Néanmoins, nous pensons que la perte d’emplois et le déficit de postes de travail sera bien plus élevé si l’on prend en compte la tendance à la réduction des emplois contractuels depuis 2008 : d’après l’Institut mexicain de la Sécurité sociale (IMSS), 538 068 travailleurs ont perdu leur emploi, ce qui signifie en moyenne une perte d’environ 107 600 postes par mois entre octobre 2008 et février 2009. Rien que dans l’industrie mécanique d’exportation (celle qui est la plus touchée par la récession nord-américaine et la dévaluation du taux de change), 64 404 emplois ont été perdus entre octobre 2008 et février 2009. Dans l’industrie vestimentaire, 40 000 emplois ont été perdus et 350 commerces ont mis la clef sous la porte. L’industrie minière a perdu 2 000 emplois directs et 20 000 indirects, tandis que 2 500 ouvriers se trouvent en chômage technique. De la même manière, dans l’industrie sucrière on compte une perte d’au moins 10 000 emplois en 2008 en raison de la libération de l’importation de sucre suite aux dispositions de l’ALÉNA. La précarisation du travail augmente encore plus en période de crise : le chômage technique est un mécanisme utilisé par les patrons pour s’adapter aux besoins du marché, par exemple pour diminuer la production quand les ventes chutent ; ils n’ont donc pas comme objectif de préserver les emplois. Les faits démontrent que les employeurs, en plus d’appliquer le chômage technique, réduisent les salaires et les prestations avant de finir par licencier les travailleurs. A General Motors par exemple, après une série de chômages techniques, on a licencié environ 600 travailleurs. Mais malgré tout, malgré l’érosion salariale permanente, les chômages techniques, la réduction des salaires et le chômage, ce sont toujours les travailleurs les plus pauvres du pays qui continuent à payer le plus d’impôts sur lesquels on ne peut pas frauder. Entre janvier et septembre 2008, les personnes qui gagnaient jusqu’à dix fois le salaire minimum ont rapporté plus au gouvernement fédéral que ceux qui gagnaient cent fois le salaire minimum. Les travailleurs ont fini par s’endetter en raison de la détérioration salariale, le chômage, les impôts élevés et la précarisation générale de leur condition de travail et de vie, sans compter les problèmes de santé et les accidents.

Du vieux vin dans des outres neuves

Les accords impérialistes condamnent non seulement les travailleurs du Mexique, mais aussi les travailleurs du monde entier. Car la contradiction principale de l’époque est celle qui existe entre le capital et le travail. Le fait que le Mexique soit un pays dépendant n’empêche en rien l’existence de monopoles nationaux qui exportent des capitaux, comme le font les monopoles CEMEX, TELMEX et Televisa, Grupo Elektra, Televisión Azteca, pour n’en citer que quelques uns, qui ont bénéficié de l’ALÉNA.

En fait, ces monopoles en harmonie avec les Nord-Américains affirment aujourd’hui – en totale contradiction avec les dogmes qu’ils prônaient dans les années 1990, quand ils bénéficiaient de la privatisation du secteur étatique de l’économie – que l’intervention de l’État est nécessaire. Voici l’analyse qu’en a faite le Comité central du Parti des Communistes :

« [...] Il est important d’aller au fond de la question à partir de notre point de vue de classe et de notre idéologie marxiste-léniniste et de démasquer toute tentative de sortie de crise capitaliste, même si elle se présente comme un capitalisme à visage humain.

En tant que communistes, il nous paraît clair que la crise actuelle est la manifestation des contradictions insurmontables dans le mode de production et que par toutes ses caractéristiques c’est une crise de surproduction et de suraccumulation qui s’étend à l’ensemble du système capitaliste mondial. Nous ne pensons pas qu’une réforme néokeynésienne soit possible. Il faut dans cette période garder comme objectif la révolution socialiste, œuvrer dans ce sens uniquement et ouvrir des perspectives réelles à la classe ouvrière et aux peuples.

Dans le chaos, on cherche des boucs émissaires et ses propres créateurs citent le néolibéralisme au banc des accusés. Par nécessité, ils pietinnent les arguments qu’il y a deux décennies ils présentaient comme la fin des idéologies, comme le nec plus-ultra de la liberté et de la démocratie. La roue de l’histoire tourne inexorablement. Deux décennies, sur l'horloge de l’histoire de l’humanité, ne représentent qu’une seconde et le discours néo-libéral triomphant n’est plus aujourd’hui qu’un discours malodorant et en décomposition. L’État grossit à nouveau, il devient obèse, dans une manœuvre désespérée pour empêcher la faillite totale. Les grands médias vouent de nouveau un culte à l’État et le discours protectionniste renaît. Les privatisations laissent la place aux nationalisations. Mais tout cela engendre des illusions très dangereuses, alimentées par la social-démocratie, qui considère comme progressistes des mesures telles que celles qu’ont adoptées Bush et Obama, misant sur une réforme capitaliste qui fasse apparaître un nouvel État Providence. » [9]

Deux siècles de lutte pour l’indépendance : le socialisme est la perspective

Lors de la 10e Rencontre des partis communistes et ouvriers qui s'est tenue à Sao Paulo, certains des partis présents ont approuvé la déclaration sur le bicentenaire de l’indépendance de l'Amérique latine et des Caraïbes [10] sur la lutte contre le colonialisme, principalement espagnol. Cette déclaration met en relief le devoir de la recherche d’une seconde et définitive indépendance, mis en avant par la Conférence des partis communistes et ouvriers en Amérique latine, qui a eu lieu en 1975 à La Havane.

Les processus libérateurs du 20e siècle, depuis la Révolution mexicaine de 1910 et la Révolution cubaine de 1959, placent les processus actuels dans la dialectique de l’anti-impérialisme et de la révolution socialiste. Autrement, en dépit de certains courants révolutionnaires, la domination des classes exploiteuses se rétablit. La Révolution mexicaine en est un bon exemple puisqu’elle soulève la question suivante : à quoi cela sert-il que l’État ait le contrôle de 70 % de l’économie si cet État est bourgeois ?

La Grande Révolution socialiste d’Octobre a eu le mérite de briser la glace, d’indiquer le chemin. Elle a inauguré l’époque de la transition du capitalisme au communisme. Aujourd’hui il est impossible de séparer les devoirs d’émancipation économique des pays dépendants sans poser la question de la conquête du pouvoir politique par la classe ouvrière et de la construction de la société socialiste, ce qui nécessite les partis communistes et le marxisme-léninisme, l’idéologie de la classe d’avant-garde à l’époque actuelle.

 

Traduit du texte original espagnol Los acuerdos imperialistas acentúan los costos de la crisis en los países dependientes de Marco Vinicio Dávila Juarez


[1] La Crisis del capitalismo y las tareas de los comunistas en México. Édition polycopiée du Comité central du Parti des Communistes; mars 2009.

[2] Lénine, L’impérialisme, stade suprême du capitalisme (Éditions sociales et Éditions du progrès, 1971) p. 124.

[3] Il ne faut pas non plus oublier le rôle important de la rébellion indigène et paysanne mexicaine contre l’ALÉNA, précisément le jour où il entrait en vigueur, le 1er janvier 1994. L’insurrection, organisée par l’EZLN dans le Chiapas au sud-est du Mexique, a rudement fait savoir que l’accord impérialiste était une condamnation à mort pour tous les peuples indiens.

[4] Nous savons bien que le capitalisme ne se trouve plus au stade du libre échange, qui est historiquement dépassé.

[5] Une nouvelle base militaire a récemment été ouverte en Colombie, à Palenquero, évidemment dans le but de continuer la sanglante guerre contre ce pays frère et ses forces révolutionnaires, mais qui touche toute la région andine, les Caraïbes et l’Amérique centrale. Il est certain que cela confirme, entre autres, que le président américain continue sur la lancée de ses prédécesseurs. Obama a également ratifié tous les accords promis par Bush pour l’Initiative Mérida, discréditant d’un coup la gauche opportuniste du Mexique qui parle d’une nouvelle ère et qui a salué avec enthousiasme l’élection du démocrate américain.

[6] Il s’agit entre autres de l’académicien John Saxe-Fernández qui, dans une étude du même nom, informe que l’ALÉNA signifie pour le Mexique l’annexion, qui compléterait l’expansion des États-Unis commencée avec la violente guerre de 1847 contre le Mexique, l’annexion déguisée précédente du Texas et l’acquisition d’autres territoires tels que la Louisiane. Dans son livre La compra-venta de Mexico, il dit : « Pour les États-Unis, l’achat de la Louisiane et le Traité de Guadalupe de 1848 furent cruciaux pour leur ascension vers le statut de puissance continentale, hémisphérique et internationale pour la dimension géographique et les ressources minérales et plus tard en hydrocarbures que la nature avait généreusement mises à leur disposition. »

[7] Il est curieux que le gouvernement et la bourgeoisie aient mené une campagne de propagande qui affirmait que la crise nord-américaine ne nous toucherait pas, et que tout résultat négatif dans l’économie résulterait de groupes provocateurs spécialisés dans le sabotage. Plus tard ils ont déclaré que ce n’était qu’un « petit rhume » et maintenant ils reconnaissent qu’il y a un grand « trou », un « tsunami », un « tremblement de terre »...

[8] Alors que le salaire minimum général a augmenté d’à peine 12,6 %, les prix des biens de consommation, eux, ont augmenté  jusqu’à 339,4 % ; par exemple, le prix du poulet à augmenté de 243,4 %, l’huile de 107,7 %, le riz de 139 %, le sel de 77,2 %, le pain blanc de 53 %, la tortilla de 42,8 %, la farine de blé de 54,4 %, les haricots de 35,5 % et les œufs de 49,8 %.

[9] La Crisis del capitalismo y las tareas de los comunistas en México. Édition polycopiée du Comité central du Parti des Communistes, mars 2009.

[10] 10° Encontro Internacional de Partidos Comunistas e Operários; Publié par le PCdoB; p 48.